Bien que le septième art se soit très tôt emparé des mythologies antiques et de leurs héros légendaires, notamment avec l'apparition du "péplum" dans les années 60, Orphée fut plutôt mal-aimé. Alors que d'autres comme Jason, Ulysse ou Hercule furent l'objet de nombreux films et séries, notre poète n'apparaît que très discrètement, souvent aux côtés d'Hercule ou des Argonautes. Toutefois, quelques réalisateurs (presque tous français) ont fait de lui leur personnage principal, voire plus : leur double. En voici quelques exemples.
Jean Cocteau réalise, de 1930 à 1960, une trilogie consacrée à Orphée : Le Sang d'un poète en 1930 (Orphée en tant que tel n'y figure pas, mais le film constitue une sorte de prologue), puis Orphée en 1950 et enfin Le Testament d'Orphée en 1960. Orphée adapte le mythe dans le monde moderne ; Cocteau y reprend les différentes pièces de théâtre qu'il lui a consacrées (Opéra…). Il utilise toutes sortes de procédés techniques (surimpression, accéléré, ralenti, inversion du noir et blanc…) pour séduire et émerveiller le lecteur, ce qu’on lui a reproché : le film n’attire pas la foule. Le Testament d’Orphée - également celui de Cocteau, qui meurt trois ans plus tard… un chant du cygne en quelque sorte ! – reprend les personnages et les thèmes du film précédent (un artiste à la recherche de la mort, isolé dans un monde matérialiste où nul ne peut le comprendre…). La relecture du mythe se double d’un autoportrait de l’auteur, ce dernier y jouant d’ailleurs son propre rôle ! Il trahit la crainte de la mort de Cocteau, sa soif inextinguible d’éternité. Un comble pour « l’Immortel » qu’il est devenu en 1955…
En 1959, Marcel Camus et son Orfeu negro connaissent la faveur du public et sont primés au festival de Cannes. Le mythe est transporté en plein carnaval de Rio : Orphée se mue en conducteur de tramway, troque sa lyre contre une guitare, et Eurydice devient une jeune paysanne poursuivie par un tueur… Ce film a cependant une portée allégorique moins forte que ceux de Cocteau.
On peut également citer La Nuit claire de Marcel Hanoun (1978), qui raconte l’histoire de Julien, un homme voulant tourner un film sur le mythe d’Orphée. Seulement, lui aussi a perdu sa bien-aimée Anne… Ainsi, les deux héros se confondent. On retrouve très nettement l’influence de Cocteau, la « nuit claire » du titre désignant certes l’ambiance étrange d’une salle de cinéma, mais étant aussi inspiré d’une citation de Cocteau qui disait vouloir « mettre sa nuit au jour ». Cela se traduit également par un recours aux trucages étonnant, quelques scènes étant par exemple tournées caméra à l’envers !
La liste est encore longue : Parking de Jacques Demy, Orphée et Eurydice du cinéaste hongrois Istvan Gaal en 1985, Orfeu du Brésilien Carlos Diegues en 1999, ou plus récemment encore le court-métrage Tristesse beau visage de Jean-Paul Civeyrac, en 2004.
L’histoire d’Orphée et Eurydice n’a pas fini de fasciner les réalisateurs…
Jeanne (2nde 4)